Sigmund est un garçon. On n'en sait rien, hein, en vrai, mais à force de l'appeler Sigmund ben on finit par penser que c'est un garçon. J'aurai du appeler ce bloug "Nom de code : Henrietta" et ça aurait tout changé, mais bon, Sigmund c'est plus rigolo, alors voilà, on imagine notre futur gnome comme un garçon. Et pas comme une fille. Je dis ça pasque les rapports d'autorité père-fils sont différents des rapports d'autorité père-fille. Croyez-moi, j'ai lu des tacs de trucs là-dessus, alors je suis un spécialiste (ben oui, la vraie vie ça s'apprend dans les livres, faut pas croire que le premier Kevin venu avec six gosses il en sait plus que moi qui me suis fadé l'intégralité des bouquins du rayon "Education" d'un grande libraisie parisienne).

Ah oui, je vous ai pas dit, je fonce bille en tête dans mon sujet du jour, mais sinon l'échographie de Batman s'est bien passée, tout ça, Sigmund a deux bras, deux jambes, quatre ventricules, une aorte, une cortex, une vésicule, mais comment-veux-tu, une nuque fine, plein de doigts aux bons endroits, des yeux, pas de bouteilles de plongée ni de masque ni de tuba, bref un beau bébé de six cent grammes (l'équivalent de trois belles tranches de foie, pour vous donner une idée) qui bouge comme un forcené. Oui, tout le temps, sans s'arrêter. Pendant que Batman essayait de le choper avec son truc à ultra-sons, il faisait des loopings dans le bidon de sa mère, des doubles saltos, des triples lutz on aurait dit Fabrice Candeloro a qui on aurait promis qu'il pourrait trouver un cerveau dans la pièce (quoique je ne suis même pas sûr qu'il chercherait) bon disons plutôt un acrobate dingue d'un cirque chinois qui vous file le tournis à se démonter la colonne pour faire tourner trente assiettes avec ses pieds, tout en jonglant avec vingt-sept balles, trois massues et une bouteille de sauce soja.

Du coup Batman était un peu fébrile et n'arrêtait pas de taper sur le bidon de mon amour-consterné en gueulant "hé ho, on va se calmer là-dedans", et forcément, tout le monde était un peu tendu, mais ça c'est arrangé et Batman m'a serré la main malgré le ramponneau féroce que je lui avais allongé sur la nuque en gueulant "Dis donc tu touches pas à ma femme, OK ?" sur un ton hystérique, tout ça nous avait mis pas mal en retard, et l'autre lutin démoniaque qui continuait à hocher la tête dans l'utérus de sa mère genre j'essaie de vous faire passer un message, tas de branleurs. Peut-être qu'il voulait nous dire quelque chose (mais par pitié, pas qu'il est l'antéchrist), genre "heurg heurg, j'ai le cordon ombilical noué autour du cou, j'étouffe !" (ah non chuis con, les bébés ne respirent pas) ou bien "j'aimerais bien que mon con de père arrête de dauber sur mon compte". Bref, c'était confus et pas clair toute cette histoire.

Sauf que.
Au début, quand Sigmund bougeait, il suffisait que je pose ma large main calleuse, chaude et rassurante de travailleur manuel, hydratée, douce et fébrile de branleur surdiplômé pour que les pulsations rythmiques du gniard déjà en train de boumboumer (à croire qu'il écoute déjà de la techno) s'apaisent. De ma voix grave et rocailleuse de prolétaire buveur de bière et amateur de gitanes, haut-perché et hargneuse de contremaître vendu, je réussissais à le calmer par la force naissante de l'autorité paternelle, la seule, la vraie, celle qui fout la trouille au rejeton qui supplie sa mère de ne rien dire au père rapport à la trempe qu'il va se prendre. La voix de l'autorité, celle qui rassure et terrorise à la fois, un peu comme quand N. Sarkozy assure devant un parterre d'ouvriers qu'il prendra les décisions qu'il faut pour s'occuper d'eux quand il sera président. C'est pas que je me prenne pour Nicolas Sarkozy, notez bien. Mais faut reconnaître que l'autorité, il en connaît un rayon. Exactement le genre d'autorité qui fait pas vraiment envie. Bref. Mais c'est une autre histoire. Donc tout ça pour dire que Sigmund se calmait vite fait bien fait quand j'apposais ma main ferme sur la douce courbe du bidon conjugual, en sussurant d'une voix douce et autoritaire "c'est pas bientôt fini, ce bordel, oui ?"

En tout cas ça marche plus. Je crois que ce que Sigmund cherchait à nous dire, c'est qu'il est en rébellion ouverte contre l'autorité paternelle. Pas encore né qu'il nous fait déjà sa crise d'adolescence, ce sale moutard. C'est pas tenable. Mais je vais pas me laisser faire. Je vais finir par voter Ségolène, moi, pour qu'on fasse des centres fermés d'éducation pour les bébés. Ahlalala, je veux qu'on m'aide à rétablir l'ordre juste dans le bidon de mon amour-orangina.

Na !