C'est dingue comment ça devient imposant ce bidon de mon amour-je-crois-que-tu-as-un-polichinelle-dans-le-tiroir. Ces derniers jours, on dirait une montgolfière qui se remplirait d'air chaud. Sauf que c'est tout dur et pas du tout souple comme je croyais. Plutôt comme un ballon de basket que comme un medecine-ball, pour les sportifs (ouais, je suis un garçon, j'ai le droit de faire des métaphores sportives à deux francs d'abord si je veux). Et ça devient encore plus dur en cas de contractions, là c'est carrément une boule de bowling, si vous voyez le style, mais sans les trois petits trous, sauf le nombril qu'il est resté dedans (il est pas censé sortir comme une soupape de pression d'ailleurs ?). Dans la rue on dirait qu'elle a volé un ballon aux ados du terrain de basket du coin. Sauf que, sauf que...

Vous avez vu comme elles sont fières les femmes enceintes avec leur bidon ? Nan mais ho. N'importe quoi. C'est pas seulement l'aplomb que donne la certitude de pouvoir passer aux caisses en priorité. Nan. Y'a quelque chose d'autre. Une espèce de sentiment de sacré autour de cette sphère, comme si tout le reste n'était que satellite. En tout cas, je suis satellisé, moi. Le pire c'est qu'on en vient à agir en fonction de ce sentiment : toutes nos actions intègrent le respect de boule de bowling qu'on ne peut même pas envoyer percuter des quilles. Je veux bien qu'il y ait quelque chose là de profondément animal qui nous fasse respecter le symbole évident de la reproduction en marche, mais bon. On n'est pas des dauphins, hein ? On peut penser avec notre beau cortex, aussi, au lieu d'être si aveuglément admiratif de cette rotondité soyeuse agitée de soubresauts sigmundiens. Et même les animaux, hein : regardez les fiers et courageux lions de la jungle, y se contentent de croquer les rejetons qui les emmerdent, au lieu de pleurnicher sur un blog leurs angoisses et leur admiration béate des bidons. Si c'est pas de la preuve, ça.

La preuve de quoi ? Ah merde, je sais plus. Ah ouais. les femmes enceintes et leur bidon qu'il faut nécessairement admirer. Avec des fringues qui permettent de le souligner. De le marquer. De le proclamer. Hé, vous avez vu mon ventre fécond ? C'est lourdingue, à force. C'est machiste, aussi. Mais à ce stade de la grossesse, l'esprit endormi par les hormones a du mal à le voir. La programmation neurale s'est réduite aux boucles du choix de la poussette et du contrôle ventral. Le reste n'existe plus. Ou plutôt le reste se réduit au nid. Faire le nid, la tanière, le terrier...Cesser de penser et préparer ce qui est vraiment important. Argh. La dichotomie homme-femme dans ce qu'il y a de pire. Faut voir les poncifs des magazines pour femmes enceintes sur les rôles respectifs des parents. C'est pas la critique de la raison pure, je vous le dit. Bon c'est pas grave.

On s'en fout pasque hier soir on a choisi deux prénoms pour Sigmund en mangeant des dosas dans un restaurant indien de La Chapelle. Voilà c'est fait, je vais pouvoir faire la reconnaissance de paternité sans que le gars soit obligé de me casser un genou.