Il faut que je commence à me préoccuper de l'aménagement de la maison pour la venue de Sigmund. Je peux grossièrement classer les travaux à faire en deux catégories : le dégagement d'un espace de vie pour un bébé (table à langer, lit, le rack pour les bouteilles d'air comprimé, le placard pour les combinaisons...) et la sécurisation des autres espaces de la maison. Oui, parce que je ne sais pas si vous vous rendez compte mais les trucs genre les prises électriques qui se déboitent c'est pas bon du tout pour les bébés. Déjà pour nous c'est limite et rien qu'à voir ces jolis petits fils bleus et marrons qui dépassent de derrière la prise quand je tire un peu trop fort sur le fil de l'aspirateur, j'ai envie de tripatouiller avec les doigts pour tout remettre en vrac et cacher la merde au chat, mais pour les bébés c'est pire, c'est assez basique un bébé ça fait pas la différence entre les clignotements d'un moulin à musique offert par les grands-parents gâteux et les étincelles du court-jus de la prise mal ajustée dans le mur.

Donc faut que j'agisse. Et là blang je pose une question, pourquoi c'est toujours moi qui bricole, hein ? la malédiction des lampes grillées, des prises en carafe, des tableaux de guingois à refixer dans le mur porteur, de la cuvette de chiotte qui se barre et de la fuite sournoise qu'on entend dans les tuyaux de la gaine technique mais qu'on ne détecte qu'en passant ses pauvres petits doigts usés entre des tuyaux rouillés plein d'immondices et ben figurez-vous que c'est toujours pour ma pomme. Hein, oui, pourquoi moi ? Je sais, vous n'avez pas la réponse. Et d'un autre coté je suis pas occupé à fabriquer un bébé. Tiens une idée, et pourquoi ce serait pas le bébé qui s'en occuperait, hein ? Je vais te me le former à la plomberie Sigmund, ça va pas traîner... Donc pour l'instant c'est moi le bricoleur de la semaine des quatre jeudis. C'est vous dire si j'ai envie. Mais là, parait que c'est un cas de vie ou de mort. C'est mon père et mon beau-père qui me l'on dit, genre tranquillise-toi, un bébé c'est pas la mer à boire, mais si tu ne répares pas immédiatement cette étagère trop penchée de trois millimètres tu auras la mort de Sigmund sur la conscience jusqu'à la fin des temps et ayayaye père indigne de mon petit-fils je te maudis et te déshérite, ma fille ne méritait pas un schmuck comme toi ou j'aurais préféré que tu sois mon beau-fils. Un peu hystériques, les grands-parents je vous le dit.

Donc faut que je répare, y'a pas d'échappatoires. Et la liste est foutrement longue. D'abord les trucs qui tombent, ce tableau en équilibre sur une chaise (j'trouve que ça fait artiste) ou ces piles de bouquins calées par un masque en bois massif genre tueur de nourrissons (je trouve que ça fait style je lis vachement, mais en fait je les ai acheté en gros) et puis aussi les coupes en bronze sur la télé, ça peut vous fracturer une fontanelle aussi nettement qu'une hache. Ah oui les lances d'attaque calédoniennes bien pointues posées contre le mur ça va pas être possible je pense. La guitare sur son présentoir non plus (vouais, j'ai une guitare, je pensais devenir une rock-star mais maintenant avec un gosse c'est foutu, foutu, tout au plus je ressemblerais à Ozzy Osbourne et quand tu vois la tronche de ses morpions ça fout les jetons). Donc la guitare, niet. je vais enlever les cordes d'ailleurs dès fois une corde qui lâche c'est violent ça peut de refendre un oeil de moutard plus surement qu'un couteau tranchoir à viande.

Après y'a les trucs qui brûlent ou qui électrocutent, ces satanés prises qui foutent le camp les lampes en tissu brodé avec des ampoules hyper-brûlantes à portée de petite main, ça nous promet des scénarios à la Indiana Jones quand le méchant il se tatoue le pendentif dans le creux de la main. Sauf que là "Osram 60 W" c'est nettement moins classe comme tatouillage. Je parle même pas des radiateurs, ça les bébés s'en méfient rapidement. Enfin les bébés en général, Sigmund c'est moins sûr s'il tient de sa mère et surtout de son grand-père paternel, surnommé Michel Stroggoff pour sa capacité à se tatouer les formes les plus improbables à grand coup de portes de four ou de grilles de barbecue.

La meilleure solution, ce serait peut-être de capitonner l'intégralité de l'appartement et d'enlever tous ces menus objets qui finalement ne nous servent à rien et qui sont trop dangereux. Exit les bibelots, les livres, les tableaux, les tables, les chaises. Dehors les ustensiles de cuisine ! Tous à poil à boire des biberons froids vautrés sur des sols en mousse. Ouaih !
Bon c'est pas que je m'embête, mais là faut vraiment que j'y aille.