La vache ! J'ai bien cru que j'allais pas m'en sortir vivant. La nuit des morts-vivants pour moi tout seul. Enfin, j'me comprends. C'était pas la nuit déjà, mais le jour. Et pis c'était pas des zombies bouffeurs de cerveaux, mais une horde de femmes enceintes jusqu'aux yeux. Moyennant quoi je devrais dire l'après-midi des femmes enceintes à l'hôpital, mais bon c'est pas super racoleur comme titre et le racolage est une des premières vocations de ce blog, quand même faut pas pousser. Enfin, bref, hier après midi, mon amour-à-bidon-fuligineux et moi on est allés à la première séance de préparation à l'accouchement de l'hôpital chéri adoré ousqu'on est inscrit sous le numéro 53. Y'en a plein des séances sur tous les sujets mais bon là c'était la prise de contact. Pour moi, vu l'électrochoc, c'était plutôt la prise électrique de contact cette petite visite. Ma nuit des morts-vivants perso, quoi. La sensation d'être poursuivi, le coté ultra-gore, les sous-entendus que vous êtes le seul à ne pas capter, le traître qui se retourne contre vous, tout y était. Mais j'anticipe. Racontons ça calmement, histoire d'évacuer. Après tout j'en suis pas mort. Mais de justesse.

Donc à l'hôpital y te font des réunions pour que tu saches tout bien comment que ça va se passer le début de ton calvaire du truc d'avoir un bébé. Y'a plein de séances consacrées à des thèmes divers, genre la visite de la maternité, l'accouchement, comment savoir que l'heure H elle est arrivée, et tout et tout (c'est pomme à l'eau pourtant, l'heure H elle arrive quand ta femme elle crie "James, sortez la voiture et prenez la valise, car mes contractions ont débuté". Ou chez nous ça donne "Magne-toi, prépare le caddie(r), y'a Sigmund qui déboule (de pétanque)). Bon on s'est inscrit comme tout le monde, quoi. Juste j'avais demandé si c'était obligatoire pour les pères et le vigile avait fait "tsk tsk tsk" en tapotant la paume de sa main avec sa batte de base-ball ; finalement j'avais signé pour deux séances de chaque. Donc nous voilà partis pour la première séance, déjà pour savoir où c'est dans l'hôpital tu peux t'accrocher. Moi j'avais fait le malin devant mon amour-à-bidon-érectile en lui racontant qu'on se repèrerait avec les femmes enceintes, mais finalement c'est assez con comme méthode dans une maternité. Bref, après avoir tourné une heure on finit par trouver la salle (avant on s'était assis un quart dans une séance collective sur l'ablation des intestins, mais on nous a sorti quand je me suis évanoui), la sage-femme (la même, qu'est ce qu'elle crie, dis donc) nous fait nous assoir, les femmes enceintes et moi. Ouais pasque je sais pas comment y font pour y couper les autres gars, mais là on n'était que deux mecs pour dix-huit nanas, mais y sont où les autres, déjà au Guatémala, c'est pas possible. Bref. L'autre gars on aurait dit un souriceau terrorisé, quand je lui fait un signe de connivence discret (je suis tombé dans ses bras en pleurant) il a eu l'air gêné, il a regardé sa femme pour savoir s'il avait le droit, elle lui a fait les gros yeux, il est s'assoir auprès d'elle en piaillant. C'est pour ça que je le compte pas. D'ailleurs ça a pas duré.

Bon j'vous jure c'était kif-kif le scénario des morts-vivants cette visite. Ca a commencé normalement bon d'accord, le discours plan-plan, et que je te fais des phrases sur les recommandations de base, la liste des trucs à amener à la clinique (c'est incroyable tout ce qu'il faut amener, la liste fait vingt-cinq pages écrit petit) et patati, et patata, jusque là ça allait. Juste je me demandais pourquoi certaines nanas me regardaient l'oeil en coin, je me disais bon c'est pas grave, leur copain à elle il s'est tiré au Guatémala alors bon c'est normal elles se demandent si j'ai le numéro de l'hôtel du CEFPEC à Puerto Quetzal (mais ça sert à rien, j'ai pas le droit de le divulguer, j'ai juré croix de bois croix de fer sur la tête de ma collection de Strange). Et puis c'est la sage femme qui a commencé à me jeter des regards en coin, du coup je commençais à suer comme dans les films d'horreur mais bon sang qu'est-ce qui se passe, quelque chose tourne pas rond. J'ai essayé de faire ami-ami avec l'autre gars (adhérent à l'OUMPAPA -Organisation Unifiée Mondiale des Pères Absents pour l'Accouchement- on s'est fait le signe international de reconnaissance, tu clignes trois fois de l'oeil, tu te tires l'oreille, puis tu fais comme si on t'égorgeait), entre couilles faut s'entraider, on a commencé à faire des plans s'il fallait se tirer en urgence, lui il repérait les fenêtres et moi les objets susceptibles de nous protéger de femmes enceintes zombies bouffeuses de cerveau.

A ce moment-là, la sage-femme a crié "ET MAINTENANT ON VA VISITER LE SERVICE DE REANIMATION" genre c'était une diversion pour le début de la tuerie. Comme j'avais pas très confiance, je marchais le long du mur, avec mon amour-à-bidon-chais-pas-si-j'ai-confiance qui me regardait en chuchotant "mais pourquoi tu trimballes cet extincteur à la fin ?" Dans le service de réanimation, l'horreur, des tacs de trucs qui gigotaient en couinant dans des caisses en plastique, franchement on aurait dit Alien 4, çui où y'a Sigourney Weaver qui fait du basket comme Michael Jordan. Pour le coup y me semblait que la lumière elle baissait à l'extérieur, mais c'était peut-être les stores. L'ambiance devenait franchement glauque hein. Moi tout seul avec vingt bonnes femmes avec des bidons énormes autour de moi qui marchaient lentement et en canard avec des gémissements. J'étais pas du tout, mais pas du tout rassuré. Je cherchais de l'oeil l'autre gars, mais bon sang qu'est-ce que qu'il fout ça fait dix minutes qu'il est parti aux toilettes si ça se trouve on lui mangé le cerveau, il a rien vu. Dans l'ascenseur je sais pas si vous visualisez la scène, tout seul avec vingt bonnes femmes serrées les unes contre les autres avec des bidons énormes qui me regardent fixement. Quelque part, quelqu'un pleurait à grands cris (enfin, pas dans l'ascenseur, quelque part dans une pièce). Puis la sage-femme a chuchoté "ALLEZ TOUT LE MONDE", j'ai cru qu'elle allait crier on lui fait sa fête mais non on est retourné dans la salle.

Et là, coup de poignard du traître qui te trahit dans le dos : l'autre gars y s'était carapaté pendant la visite, il était plus là. Ou bien il était mort. Et toutes elles m'ont regardé avec un air gourmand, la sage-femme a crié "MESDAMES...MONSIEUR" on s'est regardé dans le blanc des yeux, j'ai fait quelques mouvements avec mon extincteur et... le gore a commencé. Aaargh, euurgh. Horrible. Et que je décris les différents aspects du bouchon muqueux, sanguinolent épais ou visqueux nacré, et que je t'explique la différence entre les fuites urinaires et une fission de la poche des eaux. Franchement Romero c'est pas possible il a quarante gosses au moins. Je savais pas où me foutre. je vous jure à un moment y'avait une espèce de musique angoissante, genre la bamba mais joué super lente et deux tons plus bas, c'était un téléphone portable (peut-être la police qui appelait l'autre nana pour lui dire qu'on avait trouvé son mari raide mort et décalotté de la tête dans les toilettes de l'hôpital). Y'avait des ombres qui dansaient sur le mur. La sage-femme a conclu "VOUS AVEZ DES QUESTIONS ?", j'ai pas attendu qu'elle dise de passer au buffet pasque j'avais la sensation que le buffet c'était moi, j'ai choppé mon sac et j'ai sauté à travers la fenêtre la moins solide.

Je suis content de m'en être tiré vivant. La deuxième séance c'est mercredi. Franchement je sais pas si je vais y aller, hein.