Non mais c'est n'importe quoi. Ca va pas la tête ou quoi ? Qu'est-ce que c'est que cette manière affreuse de nous mettre la pression, hein ? On était pépouzes tranquilles avec mon amour-à-bidon-sélectionné, complètement détendus de la tête, limite mous du stress, attendant l'arrivée de la nouvelle prunelle de nos yeux (paraît que c'est comme ça qu'il faut dire, mais bon je veux pas la ramener, mais vu l'investissement je devrais plutôt causer de ma nouvelle peau du cul, bon, paraît que c'est trop grossier pour un blog ousqu'on parle de bébé, alors celle-là je me la remise dans ma culotte, ça tombe assez bien, d'ailleurs) avec une patience et une humblabilité incroyablement zénesque (ah, on me souffle qu'il faut dire humilité, mais bon c'est pas ce que je voulais dire, j'aime pas le mot humilité, quand on me dit humilité maintenant je suis conditionné, paf, je pense érythème et je sors mon mytosil, ah non, ah non, pardon, je croyais humidité). On était dé-con-trac-té du bidon, pour tout dire.

Et voilà t-y pas qu'on nous fout la pression. C'est simple, on peut pas rencontrer le moindre pékin qu'on connaît un tant soit peu, ou un tant soit peu à peine pas du tout, sans que la question fatidique vienne nous brouiller l'écoute. Alors c'est pour quand ? C'est pour bientôt ? Ca se présente bien ? Vous en êtes où ? Quand est-ce qu'il arrive ? Alors ? Hein ? Dites ? Hein ? Ben il est pas pressé ? Dites ? Alors ? Ca vient ? Ca arrive ? C'est pour dans pas longtemps, non ?
Sans compter que l'enchaînement rêvé est facile à trouver, genre le triple lutz qui vient toujours après le quadruple axel (ou le contraire, j'arrive jamais à voir j'ai les yeux qui saignent à cause des tenues des gars, genre paillettes à vomir ou pastiche à gerber) là évidemment on n'y coupe pas, c'est couru : c'est une fille ou garçon ?

Mais lâchez-nous le bidon, bordel ! Y viendra quand y viendra ce bébé dauphin. Apparemment ça lui plaît plus de passer son temps à écarter les cotes de sa mère à coup de pieds nageoires que de vouloir pointer son museau dehors pour voir si y'a du hareng frais. Respectons ses choix. Enfin quand je dis ses choix, j'me comprend. Respectons surtout la tranquillité d'esprit de ses pauvres parents qui commencent à se fissurer (la tranquillité, hein, pas les parents, on n'en est pas encore aux gorissimes crevasses), genre on va en prendre plein la gueule dans pas longtemps. Laissez-nous rêver d'un bébé parfait pas compliqué en train de somnoler après la tétée (j'peux la faire en "i", aussi, un baby joli, tout assoupi dans son lit après le bibi, ou bien en "o", un marmot tout beau qui fait dodo mais pas popo après le lolo, comme quoi vous voyez je commence à bosser dur pour les comptines).

Les plus relous c'est mes patrons. Tout les matins, j'ai droit à mon chef et au DG de la boîte qui passent me voir, alors c'est pour quand ? C'est pour bientôt ? Ca se présente bien ? etc. etc. Le moindre pet de travers dans le métro, dix minutes de retard et pouf, j'ai droit au "on croyait que t'allais pas venir, hi, hi, hi". Bon d'un autre coté c'est normal, hein, ils s'en font pour le business, c'est vrai quoi, si je m'en vais, qui c'est qui va faire les blagues pour accueillir les clients, c'est moi que je fais le clown, habituellement, genre "Parlons de l'organisation des obsèques, quelque chose à boire, je vous sers une petite bière, ha ha ha ?". Brèfle. Et puis mon patron, il a une sorte de responsabilité morale, c'est lui qui nous a fait nous rencontrer mon amour-à-bidon-épanoui et moi, alors hein (c'est une longue histoire, impliquant une mort violente dans un cirque -elle est trapéziste- une thanatopraxie compliquée par des fauves, un commissaire de police frappant un acrobate, un éléphant, une otarie, trois caniches, un fildefériste sans filet, deux clowns en train de chialer, un spectacle-qui-doit-continuer, un orchestre qui joue la marche funèbre pendant que des chevaux blancs crottinent en rond, un fouet perdu, dix massues, un cerceau de feu, un tour de magie, deux caravanes et un grand amour). Bon voilà quoi.

Allez, plus que quelques jours à tirer. Pourtant mon amour-à-bidon-mauresque elle aime bien l'avoir le petit ragondin dans son ventre. Sauf pour le coup des côtes, et encore. Et puis cette sensation de calme avant la tempête, c'est agréable. Mais c'est bientôt la fin (on vous préviendra, hein, on mettra un truc avec un dauphin sur le bloug avant de partir à la maternité, histoire que vous vous stressiez pas sur des pivoines). On n'est pas pressés, pourtant, pas pressés. Dé-con-trac-tés du bidon, je vous dis.

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Naissance de Sigmund-le-bébé-décontracté-du-placenta prévue dans 16 jours.