Ouaiche, ben moi la musique c'est ma vie. Un feeling irrépressible qui vient du plus profond de mon adolescence quand j'écoutais Aha ou Desireless en hochant la tête d'un air grave tandis que mes guibolles s'agitaient toutes seules sous moi comme les gambettes possédées des héros de Dirty Dancing. C'est bien simple, la musique je la kiffe grave méga terrible.
Ah ah, c'est pas vrai en fait. Dans la vérité vraie, je suis totalement inculte et ignare, j'ai toujours écouté les musiques à contretemps des modes (mais le genre de contretemps qui te fait pas paraître pour un habile précurseur mais plutôt comme un raseur gonflant) et voilà. Adolescent, j'écoutais du jazz au lieu de m'éclater sur Téléphone, c'est dire. Brèfle, je ne suis pas ici pour ressasser de vieilles blessures tragiques d'adolescent écorché vif (j'avais beaucoup d'acné et mon père m'avait passé des bics oranges, j'ai pasé un quart de mon adolescence la gueule couverte de sparadraps), non je suis ici pour vous parler d'éducation musicale, et plus particulièrement d'un nouveau jeu qu'on a inventé, le Stimulation-Coooontraction.

Alors c'est bien simple : on écoute une musique, c'est la partie stimulation. Si Sigmund il aime bien, il s'agite dans son bocal, aka le bidon de mon amour-à-bidon-orbital. Et si Sigmund s'agite, boum, le dieu Utérus se réveille, c'est la partie contraction. Mon amour louche de douleur, moi je me marre comme un bossu. C'est pas que je suis méchant de nature, hein. Ces contractions là elles font pas vraiment mal, c'est rien du tout par rapport à celles de bientôt. Bon. Donc mon amour-à-bidon-planisphérique louche un peu genre j'ai hyper-mal alors qu'en fait c'est juste comme si on venait de faire un strike dans son ventre avec une boule de bowling de trois kilos, et on rigole tous les deux. Et puis on change de disque. Stimulation-Coooontraction.

Alors bon j'ai le regret de vous annoncer qu'Abba n'inspire pas du tout Sigmund, j'en suis navré pour ceusses qui aiment voir une bande de chevelus habillés de papier aluminium s'égosiller sur la musique d'un orgue bontempi. Désolé. J'ai rien contre Abba, personnellement, hein, si ce n'est l'envie de prendre un flingue et d'abattre tout le monde quand j'entends Dancing Queen. Ah ouais sinon, Sigmund est totalement insensible au charme adipeux d'Elvis, aussi, tant que j'y suis à régler des comptes. Bon de toute façon les loosers on s'en fout. C'est pas comme si ceux-là avaient vendu des millions d'albums, hein. Non, intéressons-nous plutôt à ce qui plaît à Sigmund. Par exemple, du bon blues root ça oui ça le fait le vibrer grave. On le voit carrément s'étirer sur les douze mesures, en trois positions, j'vous jure, j'lai même filmé. Ou Hendrix, tiens, là oui il se met à gambiller dans le ventre de sa môman ravie. Pas comme quand on lui fait écouter de la musique aveque des binious (mon amour-à-bidon-fasseyant a une putain de collection de disques avec des binious, je comprends même pas comment c'est possible pour une demi-vietnamienne d'aimer écouter ces hululements d'ânes maltraités que les chtis gars du coté de Lann-Bihoué arrivent à sortir de leurs panses de brebis farcies d'air).

Sinon y'a un truc qui ravit Sigmund. Bon d'accord c'est bizarre, et je suis conscient que ça jette comme un discrédit sur ses goûts musicaux précoces, mais bon dans ce bloug seule la vérité importe, c'est pas comme si je déformais les faits (y compris pour Abba, comme j'avais la tête près du ventre de mon amour-à-bidon-acoustique, je l'ai distinctement entendu crier "Arrêtez cette merde", j'vous jure). Bon, donc je disais que Sigmund il aime bien quand c'est son papa qui chante. Ouais pasque je vous ai pas dit, mais après avoir raté mon adolescence musicale, je me suis mis en tête de la rattraper à trente ans passés en apprenant simultanément la guitare et l'harmonica, et quand je dis simultanément, je parle bien de jouer des deux instruments en même temps, ce qui est relativement facile avec un support à Harmonica genre Antoine, me manque plus que la grosse caisse et les grelots et bientôt je fais l'homme orchestre dans le métro. Donc quand je massacre un morceau à la guitare en transposant la voix à l'harmonica (ou en chantant à travers l'harmonica, ce qui revient au même), stimulation, ben Sigmund il aime bien, cooooooontraction. Il bouge en cadence, et c'est déjà un exploit vu que je la tiens pas vraiment la cadence, dès que je me concentre sur l'harmonica c'est la guitare qui part en couille, dès que je joue trois accords sur la guitare, pas mon harmonica couvert de salive gluante se fait la malle sur la tapis. Stimulation-Coooontraction. Enfin pour moi faudrait plutôt Concentration-Déééécontraction, mais les mystères de la nature sont ainsi faits que mon cerveau refuse absolument de se décontracter si je ne mange pas une danette au chocolat, et va-t-en jouer de l'harmonica avec de la danette au chocolat plein la bouche, toi, et tu m'en diras des nouvelles.

L'essentiel, c'est que Sigmund il aime bien quand son papa chante. Ah oui, pasque je chante aussi. Et oui, c'est la totale. Je sais qu'en votre for intérieur vous avez une pensée émue pour la maman-de-Sigmund en vous disant la pauvre. Ok, ok. Mais en même temps c'est parfois exaltant de vivre avec un homme orchestre, non ? Non ? Bon, ne répondez pas à cette question. Donc je chante quand même, en faux anglais (le vrai je sais pas bien). La totale je vous dit. Mais bon du moment que Sigmund aime bien, ça l'habitue à ma voix de canard qui essaierait d'avaler une boule d'orties. On s'amuse bien, quoi.
C'est tous les jours la fête chez les Dugenou-Bourrichon.