Ah ouiche il est beau celui-là. Non pasque dès que j'annonce la prochaine venue de Sigmund à de parfaits inconnus croisés au fil des dîners en ville et autres réunions mondaines, ben on se récolte les traditionnelles félicitations de rigueur, les nom de dieu de conseils interminables sur la position optimale du bébé dans la poussette pour assurer son avenir (je résume), mais aussi des maximes absconses frappées au coin du bon sens ras-la-moquette, de la platitude certifiée conforme et du cliché grand format réunis. Les dictons genre confucianisme mal digéré, franchement c'est à la limite du supportable, peut-être pire que les sentences que nous balançaient les grands-parents en guise de leçon de vie express : genre "Comme on fait son lit on se couche", la vache y m'a toujours fait rigoler celui-là, vu qu'au pied de la lettre c'est exquis. Hé ouais, ce matin pour déconner j'ai fait le lit en portefeuille, comment qu'on s'est mal couché ce soir, la galère ! Ah ouais pasque une femme enceinte ça a un peu de mal avec les lits en portefeuille, mais bref. Sinon y'a "La caque sent toujours le hareng", mais bon j'suis pas parti pour parler de ça au départ.

Non, je voulais parler de ce très bel aphorisme que l'on m'a servi chaud sur un plateau au cours d'une réunion mondaine, en référence à Sigmund-le-loustic. Ben figurez-vous que : L'homme est comme un arbre, il doit avoir des racines et des fruits.
C'est beau, non ?
Ca me plonge dans des abimes de navritude.
Déjà pasque se comparer à un arbre c'est con. Non mais franchement, qu'est ce qu'il y a de plus crétin qu'un arbre ? Vous avez déjà vu des arbres intéressants, vous ? Ca court pas les rues. Ca court pas tout court, d'ailleurs un arbre. C'est nul. Ca n'a aucune conversation. Ca prend une place folle. Ca te fait des déchets en veux-tu en voilà, avec ces conneries de feuilles qu'il faut ramasser et brûler, et je parle même pas du fléau principal. Ben ouais, forcément, vous voyez ce que je veux dire. Faudrait faire une loi. Non pasque quand même les arbres sont les complices actifs du pigeon qui te chie sur la tête une belle fiente amniotique ammoniaquée. C'est dégoûtant. Donc les arbres c'est nul. Globalement. Et qu'on vienne pas me la jouer bucolique "les arbres et le bruit du vent dans les feuilles, gna gna gna", non. Moi dans bucolique j'entends surtout colique. Ah tiens, je suis de retour à la case "stade anal". Bon. Donc je disais les arbres c'est déjà pas terrible. Pas malin. C'est pas eux qu'on inventé l'eau chaude si vous voyez. Et puis dès fois ils peuvent être dangereux, d'ailleurs à Paris on les enferme derrière des grilles, c'est dire. Comme un arbre dans la ville, c'est quand même pas moi qui l'ai dit, hein ?

Donc dans la vie faudrait des racines et des fruits. Des racines pour un terroir et une famille ascendante, des fruits pour les enfants. C'est vraiment du n'importe quoi. Non mais franchement. Tu as vu la tronche des arbres des fois ? Ca donne une idée de l'état des racines. Les racines, c'est bien les petits trucs blancs visqueux qui dépassent dans n'importe quel sens ? Ah ben bravo elle est belle la famille. Ah ben bravo le terroir. Nân, mais moi l'idée de terroir déjà j'aime pas ça. Tirer fierté de l'endroit ousqu'on est né, hein, ça fait un peu trop imbécile heureux pour moi. Mes racines je vois pas bien ousqu'elles sont. Oh, globalement dans le sud c'est sûr, vu que je suis frileux comme un canard déplumé et que je préfère l'huile d'olive au beurre. Mais bon c'est pas à transmission automatique le truc : le Sigmund y va pas revendiquer -j'espère pour lui- un héritage sudistique (c'est très joli comme nouveau mot) pasque lui ce sera plutôt un parigot vu comme c'est parti. Ses racines je les vois plutôt genre couvertes de fientes de pigeon et parfumées à l'odeur grasse des boulevards. Donc voilà pour le terroir. C'est du propre.

Les fruits, maintenant. Déjà ça m'énerve, les gamins comparés à des fruits. Le fruit de vos amours. N'importe quoi. Y'a des pépins dedans, peut-être ? Ah oui, on me dit en régie qu'il peut y avoir des pépins, des gros pépins, genre incisure. D'accord. Mais bon c'est pas une raison. Les fruits, ça fait genre caste d'arbre entre ceux qui servent à quelque chose pasqu'ils ont des fruits et ceux qui restent là, inutiles comme des cons, pasqu'ils servent pas çà nous donner des bons gros fruits juteux (c'est bizarre mais cette image de bons gros fruits juteux ça va bien avec des fruits mais dès qu'on l'applique aux gamins c'est nettement moins glamour). Oui donc, cette histoire de fruits ça dit en gros que si t'as pas de gamin ben tu connais rien à la vie. Et ça croyez-moi, c'est une sacré grosse connerie conservatrice. Donc si tu veux pas être un naze d'arbre, genre un mélèze qu'est-ce que c'est naze un mélèze, ben faut faire des fruits. Etre un poirier, genre. Ou un pommier. Ou un prunier. Ou bien un plaqueminier (ouais je sais c'est plus dur, ça. C'est juste pour crâner un peu et montrer que je suis du sud. Ah Ah). Hors des fruits point de salut. N'empêche que comparer les mioches à des fruits, c'est vague. Faudrait être plus précis. C'est quoi, des kiwis ? Des pamplemousses ? Des goyaves ? Ah ça y est j'ai trouvé : les bébés c'est des Durians. On t'en parle beaucoup, le plus souvent en bien. Il parait qu'en posséder un c'est goûter au paradis. Sauf que quand ça te tombe sur la tête, ça t'assomme. Et quand tu l'as, c'est hyper-dur à manipuler. Et quand à l'odeur...

Ah ben voilà je comprends mieux cette histoire de fruit. Y suffisait de m'expliquer. Je suis pas plus con qu'un mélèze, quand même.