Ca commence à se savoir que mon amour-à-bidon-agité va bientôt accoucher d'un lardon. Ca commence à se savoir que je vais bientôt être papa (je sais pas si vous avez remarqué, mais maintenant quand je dis que je vais être papa, je m'évanouis plus comme au début ; c'est grâce en partie à ce bloug, je pense). Et donc comme ça commence à se savoir, on ne me regarde plus pareil. C'est normal. Etre père, ça vous change un homme.

Conneries ! Nân mais qu'est ce qui faut pas entendre. Quand Sigmund sera là, après trois mois à incinérer des couches sur le balcon et à me lever toutes les deux heures pour le gaver comme une oie, je dis pas. La ouais je risque d'avoir salement changé, genre faut pas m'adresser la parole pasque je suis siiiiiii fâtiguééé. D'ailleurs c'est pas forcément que les moutards qui font ça, hein, en ce moment je suis si fatigué par le boulot que j'enverrais bien tout péter jusqu'à la lune. Ce bloug y compris, où j'ai du mal à maintenir la ligne éditoriale que je m'étais fixée en préalable, basée sur la déconne prénatale (c'est un genre que je m'ai inventé). Tout part en couilles. Bref. Qu'est-ce que je disais ? Ah ouais. Quand le minot sera là, d'accord, y'aura du changement de l'air, mais jusqu'à présent, hein, quelle différence ? A part le fait que je regarde compulsivement les poussettes qui passent pour voir la marque et évaluer le poids.

Mais là, la simple future paternité change le regard que l'on porte sur moi. Je parle même pas du fait que l'on demande directement des nouvelles de mon amour-à-bidon-plutôt-vers-l'avant avant même de s'enquérir de ma petite santé quand j'ai des amis au téléphone (et encore, ils se soucient de mon amour-à-bidon-extrapolé juste en tant que support de Sigmund). Non. mais au boulot en particulier, mes collègues, chefs, subordonnés et néanmoins amis relations aperçus y'a cinq minutes fréquentations me jugent différemment depuis que je suis passé en tête de liste des futurs géniteurs ; apparemment y'à une liste qui circule où sont consignés les futurs pères et mères de la société où je travaille, liste qui doit sans doute servir à faire passer ces cartes crétines que je signe depuis des années machinalement (" Bravo pour la naissance de votre petit dernier, mais c'est vraiment sa photo sur le faire part ?" ou bien "Félicitations à la maman et surtout à l'équipe de l'hôpital qui ont vraiment bossé, eux" ou encore "Bonne chance avec votre nouveau boulet, cordialement") sans me douter que ce serait bientôt mon tour. Je me demande ce qu'il va y avoir sur ma carte. Sans doute des trucs de la part de mes chefs ("Bravo", "Félicitations sincères", "En espérant que ça n'empiète pas sur ton temps de travail, amicalement") et de mes équipes ("Félicitations et n'hésite pas à prendre un 4/5ème", "Nouveau bébé, nouvelle augmentation !").

Je vois ça d'ici. En tout cas je ne suis plus le même à leurs yeux. Et pourtant je vous le dit, yé né pas changé. Je suis toujours ce jeune homme étranger qui vous chantait des romances. La romance des caddies(r). La romance d'Edwina et de Kevin. Et ce qui est le plus important : je ne veux pas changer. Je veux rester le même homme fou qui n'hésite pas à mettre deux paires de chaussettes le matin ou à télécharger des chansons de Tino Rossi au péril de sa vie. Est-ce qu'on met une part de soi dans son futur enfant, et qu'après on n'est plus jamais pareil ? Je vous propose de vérifier ça sous contrôle d'huissier. Je vais demander à Albert, mon fidèle ami huissier, de me dire si la paternité a l'air de me transformer. Il a huit gosses, il saura bien me le dire.
La vie est d'un difficile en ce moment. Ca doit être l'approche de ces élections présidentielles à droite qui me perturbe. Ou alors je change pour de vrai.