J'avais déjà parlé dans ces colonnes de la 11ème plaie biblique. Je crois que j'ai trouvé la 12ème ce week-end lors d'un repas qui restera dans les annales, je veux dire qu'il m'a bien fait mal au cul (oups, désolé, je suis mal embouché ce matin). Il faut savoir que, l'âge aidant, mon petit cercle d'amis s'enrichit ces temps-ci d'une flopée de gamins tous plus adorables les uns que les autres, mais certainement moins jolis que Sigmund (et surtout bien moins intelligents, je n'en ai vu aucun capable d'articuler le moindre mot, alors que Sigmund sera sans doute capable, lui, de signer les faire-parts trois jours après sa naissance et peut-être bien de chanter un petit truc si on l'attache avec une chaîne dorée à l'orgue de barbarie, histoire de commencer à se rembourser des frais qu'il nous occasionne déjà, le petit monstre). Donc inévitablement, on a droit à quelques conseils avisés d'ex parturientes et de nouveaux pères dans le vent. Bon, c'est pas trop grave.

Mais là, incroyable, là on a touché hier soir une véritable jackpot de conseilleurs. Des vrais, des beaux, des qui n'ont pas lâché le crachoir de la soirée entière au grand dam des autres convives qui auraient peut-être souhaité parler d'autre chose que de bébés et d'accouchement. Des conseilleurs, des purs, des esthètes du conseil absolu qui ne souffrent pas moindre objection, ni la simple contradiction des faits. Des absolutistes du conseil et des recommandations. Des prosélytes de la formation mentale et de l'information redondante. Des êtres nuisibles visiblement décidés à prendre notre vie en main, pour la diriger malgré nous, puisque nous sommes bien sûr ignorants par nature, n'ayant pas eu la chance et l'honneur et la responsabilité suprême de mettre un enfant au monde, ce qu'eux ont fait dans les meilleures conditions grâce à leur profond savoir venu de leur expérience millénaire. C'est à se demander comment d'autres personnes dans cette ville à l'ouest du Pécos osent encore accoucher sans leur avoir demandé leur avis, risquant ainsi la vie de leur progéniture qui ne sera de toute façon pas bien maline, vu le niveau de connaissances des parents.

C'est pas qu'on veut pas de conseils, hein, notez bien. Mais des trucs soft, quoi. Je veux dire, la manière dont Gonzo a fait fonctionner la pompe à lait de Gonza, franchement c'est un peu trop intime pour moi. Si j'avais pu placer un conseil (si j'avais pu parler tout court) je leur aurais bien suggéré de prendre à garde à la manière d'éduquer leur tout nouveau petit garçon Gonzinou, parce que sinon ça allait pas être la tarte pour lui. Laissez vivre les autres, boudiu ! On veut des conseils utiles, pas savoir que Gonza s'est éclaté les organes en voulant reprendre le ménage trop vite. De toute façon c'est moi qui fait le ménage. On n'a pas besoin de savoir le détail des douleurs de l'accouchement, ni la quantité de liquide qui s'est échappé de la matrice de Gonza pour s'écouler sur leur beau divan en cuir. Ils m'ont tout secoué mon amour-à-bidon-qui-pointe avec leurs giries.

Mais le plus terrible n'est pas là. Parce que bon, donner des conseils ou nous faire partager leur intimité bouleversée par l'arrivée de Gonzalès (heu non, j'avais dit quoi, ah oui Gonzinou) à la limite c'est un peu très carrément chiant et un peu lassant, mais compréhensible. Mais ce qui me navre le plus, c'est cet absolu manque d'humour. Si les bébés font partie de la vie, on doit pouvoir faire des blagues, non ? J'ai déjà constaté le manque d'humour sur le sujet d'une manière générale. Mais hier, quand j'ai suggéré à Gonzo le bricoleur que pour arriver à faire sortir le lait des nichons de Gonza (ça marchait pas au début, un truc horrible, elle se remplissait de lait de l'intérieur, affreux) il aurait pu utiliser sa sacro-sainte perceuse à percussion, je n'ai eu qu'un regard plein d'introspection ("Mon Dieu, j'aurais pu rater une bonne solution ?") et une conclusion définitive "Non ça aurait fait beaucoup trop mal". Aucun humour, aucune distance. Et après on s'étonne que les gens deviennent chiants. Un bébé, c'est quand même pas la mort intellectuelle, non ? Le cerveau n'est pas soluble dans le lait maternel ni dans le gâtisme paternel ?

Rassurez-moi...