Dans tout ce que je lis sur la grossesse (et croyez-moi, vu la littérature que je m'envoie je deviens aussi calé en obstétrique qu'un interne de maternité) revient sans cesse le thème des envies. Et que je te glose sur les fraises qu'il faut aller chercher à pas d'heure ou sur les rouleaux de printemps obsessionnels. Et que je te ressors les clichés du pauvre mari qui court dans le matin blême pour satisfaire les besoins irrépressibles de sa femme (vous vous rappelez de la pub à la con où un jeune mari dévoué se faisait enfermer dans un camion frigo et qui en plus se faisait engueuler quand il revenait ?). Brèfle. Outre le fait que ces envies me semble sujettes à caution (mon amour-toujours-pondérée ne manifeste en fait d'envie qu'un terrible besoin de dormir et d'avaler des assiettes de pâtes), je m'interroge sur cette victimisation du rôle du mari et sur les ressorts de cette présentation des "envies".

Merde. Mais comment qu'je cause, moi.
Je reprends. J'ai l'impression qu'on nous beurre la mouillette avec cette histoire d'envies. Pasque bon, c'est pas compliqué : si le pauvre, pauvre mari accepte sans rechigner les tâches ingrates que lui impose sa terrible femme tyrannisée par ses "envies", c'est pour une bonne raison. Oui pasque bon faut pas déconner, moi la meuf qui me demande d'aller lui chercher des fraises à trois heures du matin, je lui colle direct une mandale en travers de la figure. Ou plus exactement (mon naturel poétique prenant la plupart du temps le pas sur le coté bestial et brutal de ma masculinité) je lui dis gentiment de se bouger le fion s'il elle se veut des fraises et plus vite que ça, grognasse. Ou quelque chose du genre. Gentil et poétique, quoi. Mais bon.

Oui donc, la bonne raison à tout ça. Si le gentil mari accepte de se faire chier à dévaliser un primeur à trois heures du matin, c'est parce que sa bonne femme est enceinte. Hé oui, je sais. Mais enceinte a ici le sens de sacré. Oui parce que le mâle normalement constitué ne se dérange que si sa femme est enceinte de sa descendance, ce qui lui confère un caractère sacro-saint qui n'est pas sans me rappeler une bonne vieille rengaine genre "travail, famille, patrie". Ouais, ouais, c'est bien ça : en fait le truc des envies c'est avant tout une idée machiste. La petite bonne femme, on lui passe tout parce qu'elle porte le fruit (ah merde non, j'avais dit plus le fruit) le germe de notre descendance, l'avenir de notre famille, le futur de notre race (c'est tout un vocabulaire finalement). Mais en temps normal, elle peut se les carrer ses fraises, et le respect avec. Elle peut rester la souillon qui se tape toute la merde à la maison, corvéable et taillable à merci et surtout n'oublie pas la pipe avant le dodo parce qu'il faut bien penser aux besoins du mâle. Elle est toujours l'esclave éternelle de nos sociétés masculines.

Alors oui c'est ça les envies : le petit caprice que l'on passe parce pour le reste de la vie ce sera à la femme d'aller satisfaire les envies de son gros beauf de mari. C'est pas trop équitable, je trouve. D'ici que toutes les meufs de ces gros nazes enquillent les mômes pour ne pas subir la tyrannie de leurs cons de maris, y'a pas loin. En tout cas c'est pas reluisant. Je vais rester méfiant sur cette histoire d'envie, du coup, vaut mieux pas marcher dans ces combines. J'aimerai pas me retrouver dans le peau de celui qui troque des services dans son couple et qui fait confiance au marché pour réguler le donnant-donnant de sa vie amoureuse, si vous voyez ce que je veux dire.